Chabriéres attendait le printemps comme la fleur attend l'aube, replié sur lui même, le domaine avait surmonté l'hiver dans l'inertie et le silence, la Comtesse tantôt à Paris pour ses charges, tantôt à Ségur pour son repos, tantôt à Limoges pour ses affaires, ne rejoignait plus le manoir que raremment, gardant ce refuge comme le dernier rempart à sa fatigue ou à ses peines, cependant, depuis le trépas de son ainé, le jeune Barahir, voilà quelques mois, une chaine de plus la retenait en son Comté, la tombe de marbre de son premier né et l'image figée pour l'éternité de son beau visage endormi.
C'est pourquoi, ce ne fut pas sans grand tumulte que l'arrivée de la suzeraine, l'avant veille, fut vécue. Arrivant seule et sans escorte, car elle jaugeait depuis longtemps ne pas en avoir le besoin chez elle, à dos de jument et en tenue de chasse, une partie de sa garde robe, laquelle n'a rien de modeste, étant en permanence déposée et entretenue céans par les chambriéres, fort nombreuses également de la suite.
Ayant prévenue qu'elle attendrait visite et qu'il conviendrait de conduire le visiteur auprés d'elle dés son arrivée, Martial, le gardien, s'inclina pour saluer l'arrivant et l'informa qu'il se pouvait rendre auprés de la Comtesse, dés qu'on l'aurait dûment fouillé, laquelle dame l'attendait en son petit salon .